Le chant prénatal, une pratique ancestrale et universelle

Article paru dans « Grandir autrement »(n°40)

en Mai 2013

« Le chant prénatal ! Qu’est-ce que c’est ? À quoi ça sert ?… Ce sont des chansons ? Lesquelles ? C’est pas un peu ringard ? Et si je chante faux ?… Quoi ?! Je peux aussi me servir de ma voix à l’accouchement ! Comment ? … Et si je demande une péridurale ? … »

Depuis la nuit des temps et dans le monde entier, de futures mamans chantent pour leur bébé et s’aident instinctivement de leur voix pour le mettre au monde. Activité ancestrale et universelle s’il en est, le chant prénatal se décline en pratiques diverses : berceuses attendries adressées à un ventre encore arrondi, gémissements modulés de la femme qui enfante, caresse sur son visage du souffle synchronisé de son compagnon, voyelles tenues pour traverser les contractions et accompagner le bébé, voix apaisante de la sage-femme…

Le chant prénatal, c’est l’utilisation de la voix par les futurs parents, pour mieux vivre la grossesse et faciliter l’accouchement.

Pendant la grossesse

Les bénéfices et bienfaits du chant prénatal sont multiples :

  • s’offrir un plaisir simple : faire une pause dans le quotidien, se détendre, s’amuser et s’autoriser à chanter, quel que soit son niveau musical. Chanter « juste » ou « bien » n’a aucune importance : nul besoin d’avoir « une belle voix » pour se faire plaisir !

  • mieux vivre la grossesse : prendre soin de soi, confier ses petits soucis à une animatrice bienveillante, échanger des informations avec d’autres futurs-parents, créer un réseau de soutien amical dans le quartier…

  • rapprocher la famille : resserrer le lien entre les générations en (re)découvrant des chansons à entonner ensemble.

On peut pratiquer le chant prénatal du premier au dernier jour de la grossesse. Car bien avant le développement de son système auditif, le foetus sent les sons caresser sa peau. Et contrairement à ce que craignent certaines femmes, le chant seul ne peut pas déclencher de fausse-couche… ni l’accouchement lui-même ! Toutes les futures mamans peuvent donc chanter sans complexes et sans inquiétudes, quels que soient leur niveau musical ou leur état de santé.

À l’accouchement

La voix peut également faciliter la naissance. L’instinct animal pousse de nombreuses femmes à produire des sons spontanément à l’accouchement. Le texte (le plus souvent des voyelles), la hauteur des notes et le volume varient au fil des heures, selon l’évolution de leurs sensations. Pour décrire cette pratique, certains utiliseront les mots « vibrer » (en référence aux vibrations sonores) ou « vocaliser » (en référence aux voyelles), plutôt que le mot « chanter » qui évoque souvent l’idée d’une chanson. Contrairement à ce que l’on pourrait craindre, ces sons ne gênent pas les voisins ni le personnel médical, car des notes chantées n’ont rien de commun avec des cris de douleur.

Lors d’une naissance médicalisée, la maman peut utiliser sa voix pour rassurer et accompagner son bébé, qui l’entend parfaitement.

Lors d’une naissance physiologique, la voix peut aider la mère à mobiliser ses ressources instinctives afin de :

  • se concentrer, rester calme et confiante (car, en générant des tensions musculaires, le stress ralentit la progression de l’enfant, prolonge l’accouchement et augmente la douleur)
  • maîtriser sa respiration pour mieux oxygéner son corps et son bébé
  • sentir son corps et ses besoins pour adapter sa posture au cheminement du bébé
  • mobiliser les muscles de son bassin pour faciliter la progression de l’enfant

Le chant prénatal va ainsi contribuer à faciliter la naissance, raccourcir sa durée et faire diminuer la douleur.

La voix du père

Par sa voix, le père peut entrer en relation immédiate avec le foetus dès le début de la grossesse. C’est également un moyen concret de soutenir la mère et le bébé pendant l’accouchement. Rôle discret mais essentiel : le père peut encourager sa femme à vocaliser, si les doutes ou la pudeur l’assaillent. Il peut également vocaliser lui-même, soutenant et rassurant ainsi la mère et l’enfant.

Le chant prénatal à la maternité

Avec la tendance française actuelle à l’hyper médicalisation de l’accouchement, les maternités qui proposent du chant prénatal sont rarissimes, laissant son enseignement au secteur privé (associations, auto-entrepreneuses, etc.) On ne peut que déplorer cette situation, d’autant plus que le chant prénatal :

  • ne génère aucun coût supplémentaire à l’hôpital (puisque ne nécessitant aucun matériel particulier)
  • constitue une alternative intéressante pour les multipares qui désertent la préparation classique, parfois vue comme une répétition inutile de celle suivie lors de leur première grossesse
  • n’empêche aucune intervention médicale, ni aucun appareillage (monitoring, perfusion, péridurale, etc.)
  • facilite le travail des sages-femmes. En effet, étant responsables de plusieurs accouchements à la fois et devant souvent courir d’une salle de naissance à l’autre, celles-ci ne peuvent qu’apprécier d’y trouver une femme calme, respirant posément et se berçant de sons apaisants.

L’espoir est néanmoins permis : des recherches scientifiques sur les effets de la vibration sonore à l’accouchement sont en cours (Rappel de l’auteure : l’article a été écrit en 2013) à l’hôpital Foch de Suresnes (92). On peut espérer qu’une telle démarche attire l’attention des institutions sur l’intérêt de cette pratique, et aide à son développement dans le cadre hospitalier.

Les différentes méthodes

Depuis quarante ans, différentes méthodes de chant prénatal se sont développées en France, dont voici les chefs de file, par ordre chronologique :

  • En 1976, Marie-Louise Aucher, chanteuse, initie l’enseignement du chant prénatal à la maternité de Pithiviers. En collaboration avec la sage-femme Chantal Verdière, elle applique ses recherches sur la voix (nommées Psychophonie®) aux femmes enceintes. Ainsi naît le chant prénatal psychophonique®, dont se réclament aujourd’hui de nombreuses animatrices (cf. le livre Le chant prénatal de ML Potel, Éditions Desiris, 2012).
  • En 1996, Marceline Retailleau, sage-femme, crée sa propre méthode en application de la Pédagogie Artistique Pluridisciplinaire de l’artiste Geneviève Marty-Libert.
  • La comédienne Paloma Chaumette approfondit ses recherches en devenant sage-femme.
  • En 2004, Marie-Anne Sevin-Tulasne et Judith Bloch-Christophe, pianistes et compositrices, fondent l’Association Française de Chant Prénatal, Musique et Petite Enfance. Elles sont les auteures du livre-CD Le chant prénatal, chansons, conseils et exercices (Éditions Formulette Production, 2011)
  • En 2005, en filmant l’un de ses accouchements, la chanteuse Magali Dieux amorce la méthode Naître Enchantés®. C’est également l’initiatrice des recherches de l’hôpital Foch.
  • En 2006, Virginie Bouffart, professeure de chant et cheffe de choeurs, crée la méthode Si ça me chante® en se basant sur son travail de la voix, réalisé avec des adultes amateurs dans son école de chant.

Le cadre légal

Quasiment toutes les chefs de file forment des animatrices à leur propre méthode. Elles leur délivrent une attestation de stage, équivalent à une feuille de présence. C’est la preuve que ces animatrices ont été formées à cette méthode précise. Mais ce document n’est pas un diplôme, c’est-à-dire une reconnaissance officielle par l’État d’une compétence professionnelle.

A ce jour, il n’existe pas de diplôme officiel d’animatrice en chant prénatal.

Cette absence de législation a de nombreuses conséquences importantes :

  • l’expression « chant prénatal » est générique. Ce n’est pas une marque ni la propriété de quelqu’un (contrairement à chaque méthode, qui est la propriété de son créateur)
  • nul ne peut se prétendre l’inventeur ou le propriétaire exclusif du chant prénatal
  • il n’existe ni centre de formation officiel, ni « vrai » ou « faux » chant prénatal
  • nul ne peut remettre en question la légitimité d’une méthode, d’une formatrice ou d’une animatrice (quel que soit son métier initial)
  • personne n’a d’autorité sur personne, pas plus une formatrice qu’une autre, une animatrice qu’une autre. Nul ne peut empêcher qui que ce soit d’ouvrir un cours, que l’animatrice ait suivi une formation ou pas. Et chacune est libre de proposer ce qu’elle veut dans ses cours.

Cette liberté totale a des avantages comme des inconvénients : les parents s’enrichissent au contact d’animatrices aux profils personnels et professionnels très variés. Mais il est parfois difficile de s’y retrouver entre toutes les pratiques ! Il faut donc rappeler aux parents qu’ils sont seuls juges de l’intérêt et de la qualité de ce qui leur est proposé.

Prépa or not prépa ?

S’il est enseigné par une sage-femme, le chant prénatal peut s’appeler « préparation à l’accouchement » (Note de l’auteure : en 2021, l’expression officielle est maintenant de « préparation à la naissance ») et être remboursé par la Sécurité sociale. Dans les autres cas, les séances ne sont pas remboursées et la loi interdit aux animatrices d’utiliser les mots « préparation à l’accouchement » ( (Note de l’auteure : ou « à la naissance ») . Pour ma part, en tant que professeur de chant, j’enseigne un « loisir … utilisable à l’accouchement ».

Formation Enseigner le Chant Prénatal - patchwork d'animatrices

 

 

Formation Enseigner le Chant Prénatal – patchwork d’animatrices

Les animatrices

Les animatrices viennent d’horizons personnels et professionnels très divers : du monde médical (sages-femmes, orthophonistes, infirmières, psy…), de la musique (professeurs à l’Éducation nationale, animatrices en éveil musical, chanteuses…), du développement personnel (yoga, sophrologie…) ou, enfin, du maternage de proximité (mamans passionnées, doulas, animatrices en portage, en allaitement…)

Appelées animatrices, professeurs ou leaders, selon les méthodes, la majorité des enseignantes a suivi une formation. Peu nombreuses (moins de cent cinquante), elles sont très inégalement réparties sur le territoire français. Aucun homme ne figure encore parmi elles. Aucune d’entre elles ne gagne sa vie uniquement avec le chant prénatal.

La diversité des ateliers

Les ateliers de chant prénatal sont organisés de manière très variée. Il en existe pour femmes ou pour couples, en individuel ou en groupe, en stage intensif ou en séances hebdomadaires. Cela peut se dérouler chez les futurs parents, chez l’animatrice ou dans une salle louée pour l’occasion. Dans certains ateliers, les pères sont les bienvenus à chaque séance, à des séances spécifiques, ou pas du tout. Certains ateliers accueillent les enfants, d’autres non. En présence d’enfants ou de pères, certaines animatrices adaptent le contenu de leur cours, d’autres non…. Tout est possible !

Plus important : le contenu des ateliers change beaucoup selon l’animatrice (son métier, sa formation, son expérience personnelle de la maternité, du chant et/ou de l’enseignement, etc.). D’ailleurs, toutes les animatrices n’ont pas les mêmes objectifs ! Selon leurs goûts, elles peuvent privilégier : 

  • le bien-être pendant la grossesse,
  • les chansons,
  • le lien familial,
  • l’utilisation de la voix à l’accouchement
  • les échanges verbaux (partages spontanés entre parents, préparation à l’accouchement et/ou coaching…)

Où pratiquer le chant prénatal ?

Afin de faciliter les recherches des parents, Si ça me chante référencie gratuitement des animatrices (de toutes les méthodes) sur http://www.annuaireduchantprenatal.com. (Note de l’auteure : mise à jour prévue en 2022) Vous pouvez ainsi contacter celles de votre région et voir si leurs ateliers correspondent à vos envies.

En effet, les attentes des parents sont tout aussi diverses que les propositions des animatrices ! Certains se passionnent pour l’utilisation de la voix à l’accouchement quand d’autres ne s’intéressent qu’aux chansons. Certaines mamans veulent papoter et rire, quand d’autres ne rêvent que de calme et de concentration… Et, là encore, tout est possible ! Il suffit simplement de trouver le cours qui vous correspond.

Á chacune ses goûts, à chacune son chant prénatal !

La formation des animatrices

Il y a également de grandes différences entre les diverses formations d’animatrice, tant du point de vue de l’organisation (critères d’admission, durée, coût …) que du contenu. Car chaque méthode a ses objectifs et ses axes de travail privilégiés.

D’ailleurs, les débats entre les formatrices sont nombreux : les mots « chant prénatal » désignent-ils toute activité vocale humaine pendant la grossesse ou uniquement une méthode pédagogique ?  Est-ce du chant prénatal si on ne chante pas du tout de chansons, mais qu’on utilise la voix à la naissance ? Est-ce PRÉnatal si cela a lieu À la naissance ? Quels types de sons facilitent l’accouchement ? Comment les enseigner au mieux ? Etc.

On pourrait craindre que ces désaccords de fond nuisent au développement du chant prénatal en France. Et c’est en partie vrai. Mais cela a aussi un effet positif : cela oblige chaque formatrice à approfondir sa méthode, préciser sa pensée, développer ses particularités, continuer ses recherches… Bref, cela donne du dynamisme à tout le monde.

Pour les futures animatrices, inutile de s’inquiéter de ces débats. Ayez confiance en vous : comparer les formations vous suffira à sentir celle qui vous convient.

Enfin, sachez que si le chant prénatal n’est pas encore proposé dans toutes les villes, on y travaille activement ! Chaque année, Si ça me chante organise des formations dans plusieurs régions de France, permettant à de nouvelles animatrices de se lancer. Et progressivement, de plus en plus de gens retrouvent la liberté de chanter en toute simplicité. Car bercer un bébé en chantonnant, retrouver l’instinct de l’accouchement, soutenir vocalement une femme qui accouche, chanter en famille au quotidien … tout cela est à portée de toutes les voix. Il suffit d’oser !

 

Virginie Bouffart – Mai 2013

Professeur de chant, cheffe de choeurs et formatrice d’animatrices en chant prénatal